Et je vous pleure tous les citadins, habitants de carrefours cosmopolites
noyés dans l'orgueil. Je me pleure également, né de
cette même race. L'honneur des villes y est souvent bafoué.
Car je plains les gens qui se voient tous les jours sans jamais s'adresser
la parole en s'évitant du regard par leur hypocrisie latente, voyageant
pourtant dans les mêmes directions et passant les heures dans les
mêmes lieux, dirigés tels des pantins par d'invisibles fils
que manie le rituel trantran du destin sans essayer de jouir des libertés
que peuvent leur offrir une cité.
Je n'en souhaite point pour autant clamer l'apologie des champs et des
sillons car l'homme en est à l'ère où la forêt
vit en symbiose avec le béton. Mais l'un ne doit surtout pas supplanter
l'autre. Cette hétérogénéité est malheureusement
nécessaire à notre survie. Car qui pourrait se passer de
l'artificiel ou se contenter du naturel? J'ose en apporter l'ultime preuve:
l'Évolution Humaine. Le progressif détachement de la forme
originelle, parce que l'homme cherche la simplicité et le confort,
guidé par un instinct oisif dont il a conscience cependant. Un instinct
qui le pousse à se robotiser. Alors la ville l'engouffre et le transforme
jusqu'à ce qu'il en oublie ses origines. Il devient résidant
de sa cité telle une fourmilière factice dans un aquarium
où la fourmi aveugle et naïve se promènerait sans jamais
connaître la vérité. Et son coeur autrefois si cohésif
se referme dans la simplicité.
Car je constate maintenant la richesse de nos cités, la mendicité,
purement urbaine. Née de l'homme avec l'homme. Attirée et
nourrie par la foule. Unique et dernière figure de l'être
tel qu'il l'était jadis, de la forme originelle car l'individu évolue
progressivement par différentes étapes et le mendigot en
débute une lorsque l'autre la termine. En cela, son coeur est plus
humble. Car la ville, telle qu'il la côtoie, est différente
à ses yeux, apparaissant comme un asile pour son âme. Et se
voulant autocratique pour les citadins elle ne s'en fera pas moins soeur
et complice de ces résidants de l'ombre, émue par la compassion
de cette citoyenneté paradoxale, ancestrale et nouvelle à
la fois, citoyenneté d'une autre forme de cité, invisible
pour les autres, uniquement ouverte aux coeurs purs, aux individus loins
de tout sentiment d'orgueil, à l'amour et à la passion: la
pauvreté.